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La philosophie chrétienne Cours donné à l’Université Populaire de Genève, 1998-99. Les Pères apostoliques, tels le Berger de Hermas (c. 140), le Didache (c. 150) ou encore Ignace (début 2e s.), cherchent à définir un mode de vie proprement chrétien plutôt qu’un système d’éthique philosophique. Les Apologistes chrétiens du 2e s., par contre, s’engagent dans des débats avec la philosophie grecque et hellénistique circulant dans l’Empire romain. Ils incluent Justin le martyre (100-c. 167), Tatian (milieu 2e s.) et Théophile (qui écrit vers la fin du 2e s.), parmi d’autres. Les Pères anti-gnostiques, principalement Irenaeus (né c. 130) et Tertullian (2e s.) à l’Ouest et Clément (c. 150-c. 213) et Origen (185-251/254?) à l’Est, développent des systèmes de pensée basés sur des croyances chrétiennes, influencés par le juif Philon (c. 20 AEC – 50 EC). Les Gnostiques, tel Marcion (100-160?), sont considérés par eux comme hérétiques. Clément et Origen font partie de l’école Alexandrienne, avec p. ex. Pantaneus (mort 202). Le concile oecuménique de Nicée date de 325. La philosophie chrétienne est élargie et approfondie par St. Augustine (354-430), qui a une influence énorme. Il se base sur le néoplatonisme de Plotinus (205-270) et on remarque aussi chez lui des tendances manichéistes (Mani, né c. 215), mais sa pensée est très variée et originale. Suit Boethius (480-524), le premier des Scolastiques, qui essayent de réconcilier Platon avec Aristote [2] ainsi que la révélation et la foi avec la raison. Johannes Scotus Eriugena (c. 810-877) soumet les autorités en matière d’interprétation au jugement de la raison. St. Anselm (1033-1109) formule un “argument ontologique” pour l’existence de D. Il faut aussi mentionner le dialecticien Peter Abailard (1079-1142). Avec l’arrivée en Occident, vers le 13e s., d’oeuvres de Platon et surtout d’Aristote inconnues (oubliées) jusqu’à lors, en provenance du monde arabe, et leur traduction en latin, ainsi que des commentaires grecs et arabes sur ces oeuvres (tels ceux d’Avicenne, 980-1037, et d’Averroës, 1126-1198), les intellectuels médiévaux sont confrontés à une vision scientifique et philosophique du monde supérieure à tout ce qu’ils connaissaient. Certains y réagissent négativement, d’autres cherchent à s’y accommoder. Craignant les idées aristotéliciennes apparemment contraires à la foi chrétienne, un concile parisien interdit en 1210 et 1215 l’enseignement public ou privé de sa philosophie naturelle et métaphysique. Cette interdiction est renouvelée en 1231 par le Pape Grégoire IX. Mais très bientôt, en 1255, la Faculté des arts de Paris est obligée d’inclure presque toutes les oeuvres d’Aristote sur son curriculum, vu leur influence incontestable. En 1263, le Pape Urbain IV mandate St. Thomas d’Aquin (1224/5-1274) pour examiner et commenter les oeuvres d’Aristote d’un point de vue acceptable aux doctrines chrétiennes. Ce dernier demande à Guillaume de Moerbeke de traduire ces oeuvres directement du grec au latin. Sur cette base, Thomas d’Aquin construit une nouvelle philosophie, qui devient un des piliers de la doctrine catholique. D’autres philosophes majeurs dans cette période sont Duns Scotus (1266-1308) et Guillaume d’Ockham (1290?-1349/50). On doit aussi mentionner: Guillaume d’Auvergne (1180?-1249), Roger Bacon (1210/15-?), St. Albert le Grand (1206-1280), St. Bonaventure (1221-1274), Siger de Brabant (1253?-1281/84), Boethius de Dacia, Jean de Jandun (mort 1328), Marsilius de Padua (mort 1336/43). Certains résistent les nouvelles idées, tout en étant en fait partiellement influencés par elles. Mais la tendance est de plus en plus vers une séparation entre la Philosophie et la Religion, qui s’exprimera éventuellement en une séparation entre l’Eglise et l’Etat. [1] Basé principalement sur History of Philosophical Systems (Littlefield Adams: NJ, 1961), chap. 12 et 15-17. [2] A ce temps-là, on ne connaissait Platon qu’indirectement et partiellement; et d’Aristote on n’avait qu’une partie de l’ Organon (ses écrits logiques).